Repenser ce qui donne du sens aux savoirs à l’école

Marcel Gauchet était l'invité de l'émission "C'est arrivé cette semaine" ce samedi 25 octobre à 9h00. Il a abordé notamment la mutation de l'enseignement de la littérature et des sciences ainsi que la question de l'autorité du professeur. Ecoutez ou ré-écoutez l'émission.

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Comment donner une nouvelle légitimité à l’école ?

Le Figaro, 22 octobre 2008

Dans un contexte social agité, le ministre de l’Éducation, Xavier Darcos a détaillé hier sa réforme du lycée. Le philosophe Marcel Gauchet, directeur d’études à l'EHESS et rédacteur en chef de la revue Le Débat, vient pour sa part de publier aux Editions Stock ouvrage intitulé Conditions de l’éducation. Ensemble, ils débattent des questions de fond agitant l’école, des mutations qui la guettent, de la « désacralisation » du savoir ou du thème de l’autorité.

Gauchet sur France culture

Marcel Gauchet était l'invité de l'émission "Les matins de France Culture" ce mardi 21 octobre de 7h40 à 9h00. Il y a longuement évoqué son nouveau livre Conditions de l'éducation. Ecoutez ou ré-écoutez l'émission.

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Que fait l'école ?

François Dubet, Marie Duru-Bellat, Marcel Gauchet, Jean-François Boulagnon discuteront de l'évolution de l'Ecole dans les bâtiments de l'EHESS le 23 octobre à 18h30.

Le programme

Le temps de penser

Je vous propose un entretien de 26 minutes accordé à la Chaine parlementaire (LCP-AN) pour l'émission "Le temps de penser". Les réflexions de Marcel Gauchet proposent une approche critique de la modernité et mettent en relief les incohérences et contradictions du monde moderne pour toujours les replacer dans une perspective historique. Au moment où traversons une grave crise financière, l'idée que le mouvement spontané des échanges économiques explique le dynamisme de nos sociétés et en assure la cohésion est pour lui une croyance dangereuse, une illusion, qui a pour effet d'évacuer le politique de la scène visible.
LCP-AN-"Le Temps de penser" - 16 octobre 2008

Conditions de l'éducation

Parution aujourd'hui du dernier livre de Marcel Gauchet, Marie-Claude Blais et Dominique Ottavie, Conditions de l'éducation, chez Stock :

" Jamais l’accord sur les objectifs et les valeurs de l’éducation n’a été aussi large : tout le monde se retrouve dans l’idéal d’une éducation vraiment démocratique. Mais jamais l’incertitude n’a été aussi grande quant aux moyens à employer pour y parvenir. Les divisions font rage chez les professionnels de l’éducation. Les uns souhaitent le retour à des pratiques qui, disent-ils, ont fait leurs preuves ; les autres s’efforcent d’adapter les discours et les pratiques à une réalité sociale nouvelle et confuse. L’effort des trois auteurs est ici de repenser radicalement le lien entre démocratie et éducation, en s’interrogeant cette fois sur les conditions de l’enseignement. Car nous nous accordons tous pour dire que l’école doit transmettre des savoirs, mais nous ne savons plus quelle signification ce mot a aujourd’hui. Qu’est-ce qu’un savoir dans un monde qui égalise toutes les convictions ? Qu’est-ce que l’autorité dans un monde qui énonce l’égalité des individus ? Qu’est-ce que la transmission dans un monde marqué par l’instantanéité et la coupure des générations ? Tant que l’on n’aura pas posé ces questions, et qu’on ne leur aura pas trouvé d’éléments de réponse, on continuera à ne pas savoir ce qu’enseigner veut dire."

Nicolas Sarkozy, un symptôme de son temps

Acteurs de l'économie, mai 2008.

« L’Homme n’est pas naturellement constitué pour faire vivre la démocratie », assure Marcel Gauchet. Fort de ce postulat, l’historien et philosophe, auteur depuis plusieurs années d’une profonde investigation de la démocratie, détaille l’instant historique qui expose la démocratie contemporaine à une « crise de croissance ». En cause : le triomphe immodéré des droits humains et de l’individualité, auquel l’exercice excessivement personnalisé du pouvoir fournit une implacable résonance. « Le Président de la République est un symptôme de son temps ».
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Acteurs de l’économie - Vous avez étudié l’histoire de la démocratie. Elle apparaît à vos yeux aujourd’hui en « crise de croissance ». Quels en sont les symptômes et les répercussions ?

Marcel Gauchet - Pour la comprendre, la démocratie doit être examinée dans sa dimension et son mouvement historiques. En 2008, les caractéristiques de la démocratie sont très éloignées de celles déployées en 1908. Soixante-dix ans plus tôt, Tocqueville avait identifié l’égalité des conditions comme le ferment de la démocratie. Ce fondement demeure, mais la démocratie ne s’y réduit pas. Et l’évolution de la démocratie n’emprunte pas une quelconque forme de « croissance organique » au nom de laquelle, comme l’enfant passe à l’état adulte, elle franchirait linéairement les paliers de la maturité et de l’efficience. La réalité est autre. La démocratie prend appui sur trois piliers, qui ne progressent pas de manière mécanique ou similaire: les droits humains, l’Etat nation, enfin l’orientation historique, directement greffée à la donne économique et qui fournit son originalité à la démocratie moderne. L’enjeu et la difficulté de la démocratie contemporaine, c’est d’ajuster ces différentes composantes dont la compatibilité n’est pas naturelle. La « crise de croissance » que traverse aujourd’hui la démocratie prend appui sur un phénomène spécifique: nous connaissons un haut niveau de prospérité collective, qui dote les droits individuels d’une expression sans commune mesure avec le passé. Mais l’ampleur acquise par ces derniers est conquise au détriment des autres composantes et déstabilise l’ensemble. Résultat, concomitamment nous bénéficions d’une liberté individuelle sans précédent et subissons une impuissance collective de plus en plus flagrante: la liberté de tous et l’absence de pouvoir général. La recherche d’un meilleur équilibre est inévitable.

Une démocratie « en crise » ne signifie pas qu’elle est malade…

La démocratie est pleine de santé, mais d’une manière qui rend très difficile d’articuler ses dimensions.

L’un des principaux maux dont souffre la démocratie, c’est la sacralisation de l’individu, des droits individuels, qui dissolvent le sentiment d’appartenir à un collectif et le devoir d’y prendre part. Tout cela fait qu’« à la souveraineté du peuple se substitue celle de l’individu ». La politique de Nicolas Sarkozy, fondée sur l’individualisation - des initiatives, des récompenses, des sanctions… et de sa propre action -, aggrave-t-elle ce diagnostic?

Je le crains. A propos de la société, le Président de la République a produit de justes perceptions de son évolution, mais aussi un diagnostic hâtif sur ses problèmes. Déterminé à « coller » aux aspirations des électeurs, il est aussi dépendant de leurs contradictions. Sa politique tout à la fois va dans le sens d’un individualisme renforcé et réclame à chaque individu de se plier davantage à la discipline collective. Prise entre ces deux feux antithétiques, elle déploie alors une grande incohérence. Et les chances d’aboutir à une réconciliation sont très modestes.

La démocratie est-elle déniée lorsque le Président de la République conteste la décision du Conseil constitutionnel (loi sur la rétention de sûreté) et espère la contourner en sollicitant le premier Président de la Cour de cassation pour réexaminer le sujet?

Il s’agit moins d’un déni que d’une ineptie. Au point que cet épisode est à mes yeux mystérieux. Il témoigne d’une telle maladresse, que je ne peux y voir que l’effet d’un style individualiste de pouvoir, une forme de caprice personnel.

La stratégie présidentielle d’être en première ligne vis-à-vis du peuple, de court-circuiter le gouvernement, et de se rendre premier responsable de la politique développée, constitue-t-elle une avancée ou un recul de la démocratie?

C’est la marque d’une grave confusion, mais qu’il est possible de rectifier. Notons toutefois que l’aspiration à la responsabilité est très respectable, et succède à un système institutionnel marqué par un abus d’irresponsabilité présidentielle. Il faut saluer la volonté de Nicolas Sarkozy de riposter à cet abus en se chargeant de la responsabilité de la conduite des affaires. Mais il existe une limite, au-delà de laquelle l’exercice du pouvoir devient « egocratie ».

La crise des élites et la dépression nationale

Dans un entretien avec Elisabeth Lévy et Gil Mihaely pour le site Causeur, Marcel Gauchet est invité à donner son opinion sur la crise des élites françaises et leur responsabilité dans la "dépression nationale" traversée par la France depuis plusieurs décennies. Une occasion pour lire ou relire les propos qu'il tenait l'année dernière dans "Les élites perdent la têtes"